De l’art pour les tout.es-petit.es ! (Partie 3/3)
01 octobre 2024Entre ateliers en crèche, pour son programme Une œuvre à l’école, et mise en place de journées de formation sur le thème de la médiation et de la petite enfance, le Fonds d’art contemporain – Paris Collections multiplie les interventions à destination des 0-3 ans. Mais, comment concevoir des ateliers adaptés à de si jeunes enfants ?
Les professionnel.les de la petite enfance et les médiatrices du Fonds d'art contemporain - Paris Collections devant l’œuvre d'Isa Melsheimer
Une formation sur mesure pour explorer l’art contemporain pour, et avec, les tout.e-petit.es
Dans le cadre de l’ouverture de l’Ecole Professionnelle des Métiers de la Petite Enfance, à la rentrée 2023, la directrice Edwige Monteil a contacté le Fonds d’art contemporain afin que son nouvel établissement bénéficie d’une œuvre d’art sur ses murs. Au-delà d’un simple accrochage, elle a alors pu découvrir les différentes interventions menées par le Fonds auprès de ses partenaires. Inspirée par ces actions de médiation, elle l’a donc invité à intégrer ses propositions de formation auprès des professionnel.le.s de la petite enfance.
C’est ainsi que le module Concevoir un atelier d’éveil artistique autour d’une œuvre d’art contemporain a intégré le catalogue de formation de la Direction de la Famille et de la Petite Enfance en 2024. Quatre journées ont ainsi été dispensées aux collègues et agent.es de la Ville de Paris avec un objectif double :
Donner des clefs de lecture et de compréhension pour des œuvres d’art contemporain originales, ou de reproductions, qui pourraient être exposées au sein de structures d’accueil de la petite enfance.
Familiariser les équipes des métiers de la petite enfance à l’art contemporain, à la conception d’ateliers autour de l’art contemporain et à l’accompagnement des enfants et de leurs familles autour des œuvres.
Petite méthodologie pour aider à imaginer des activités d’éveil autour de l’œuvre d’Isa Melsheimer
Après avoir bien défini ce qu’est l’art contemporain, il est temps de passer à un exercice pratique.
En ce moment, c’est la sculpture d’Isa Melsheimer, Dachgarten/Treppe, qui est exposée dans le hall d’entrée – en haut des escaliers – de l’Ecole Professionnelle des Métiers de la Petite Enfance. Consistant en un agencement de forme carrées et rectangulaires, elle ressemble à un labyrinthe dans lequel on aurait fait pousser des plantes grasses. L’œuvre trouve son inspiration dans un appartement réalisé par l’architecte Le Corbusier dans les années 1920, qui prend la forme d’un toit-terrasse à ciel ouvert uniquement destiné à des rencontres festives.
Pour bien commencer l’activité, auxiliaires de puériculture, éducateur.rices de jeunes enfants et directeur.rices adjoint.e.s de crèches vont tout d’abord devoir partir à la recherche de la sculpture. En effet, au-delà de l’histoire et de la technique, on peut en apprendre beaucoup sur une œuvre en ouvrant juste grand les yeux. Une fois que tous.tes ont trouvé où se cachait Dachgarten/Treppe, iels vont l’observer attentivement puis la décrire en s’intéressant à ses formes, ses couleurs, ses matériaux, son poids, etc.
Imaginer des ateliers adapter aux différents âges de la petite enfance
Toutefois, une fois l’œuvre analysée et bien comprise, comment en partager les informations essentielles avec des tout.e-petit.es ?
Bien entendu, la même démarche n’est pas à appliquer : avec les enfants en bas âge, on ne va pas définir l’art contemporain, ni leur expliquer plus en détail l’origine du projet d’Isa Melsheimer ou les théories de Le Corbusier.
Il est possible, en revanche, de partir de ses observations ou de la contextualisation de l’œuvre pour se demander ce que la sculpture montre ou de quoi elle parle. Cela permet de dégager des notions clefs – maison / cabane, intérieur / extérieur, Nature / architecture – susceptibles de parler aux enfants. Ces indications fournissent ensuite des indices pour construire des ateliers adaptés aux singularités des différents âges de la petite enfance. Ne reste alors plus qu’à savoir de quels matériels, en lien avec l’œuvre, disposent les établissements (livres, objets tactiles, installation audio, etc.) afin de concrétiser les idées d’activités.
Mille et un ateliers sont ainsi imaginés collectivement par les participant.e.s à la formation :
Pour les 0 – 1 an : ateliers sensoriel (toucher, goûter et sentir des fleurs et des plantes), atelier détente et écoute de sons (pluie, eau qui coule, vent), Jeux d’eau, exploration d’un tunnel
Pour les 1 – 2 ans : ateliers jardinage (arrosage, germination, manipulation, sable magique), atelier peinture, atelier modelage (pâte à sel, argile), atelier construction d’une ville en Légo ou en cartons, parcours moteur, labyrinthe
Pour les 2 - 3 ans : atelier thématique autour du ciel, ateliers libres, graphisme
Pour les jardins d’enfants (3 – 5 ans) : atelier herbiers
Avec cette méthode, chaque atelier pensé pour les plus petit.es peut ainsi être adapté aux plus grand.es.
Un travail de réflexion collective
L’après-midi, les professionnel.les, par petits – groupes, poursuivent l’exercice à partir d’autres œuvres du Fonds d’art contemporain qui sont, ou ont été, exposées en crèches. Après un temps d’échange et de réflexion, chaque groupe présente ses idées et propositions d’ateliers. Puis, cette mise en commun est complétée et enrichie par le partage d’expérience des équipes de la petite enfance qui bénéfice du programme Une œuvre à l’école dans leurs crèches !
Cette riche journée se termine enfin par une présentation des différentes offres et ressources disponibles au sein de leurs structures ainsi que dans les institutions artistiques parisiennes et du reste de la France (livres, comptines, mallette de jeux et d’exploration, baby visites, etc.)
Quand on fait pour les enfants, on s’adresse aussi à leurs parents
Bien évidemment, les parents ne sont pas oublié.es lors de la formation ! A la crèche, on cherche toujours à créer des moments de partage avec iels en valorisant les actions et les ateliers menés tout au long de l’année autour des œuvres. Rencontres d’artistes, interventions de conteuses et de médiatrices, brèves présentations aux équipes de la crèche ainsi qu’aux familles, cafés des parents, restitutions des ateliers, diffusion de cartes postales et d’affiches, mise à disposition de livres autour de l’œuvre constituent alors autant de temps forts et de dispositifs permettant d’intégrer les parents dans les activités de leurs tout.e-petit.es.
Entretien avec l’éducatrice de jeunes enfants Maïté Bachoc de la crèche Politzer (12e)
Pourquoi avez-vous participé à la formation?
Je m’engage avec mes collègues à promouvoir l’éveil artistique et culturel des jeunes enfants conformément à la « Charte nationale d’accueil du jeune enfant » et au Projet éducatif de territoire (PEDT) 2021-2026 de la Ville de Paris. Je voulais nourrir mes connaissances sur l’éveil artistique des jeunes enfants afin de les mettre en pratique à la crèche Politzer. L’intégration de la crèche cette année au programme Une œuvre à l’école - avec la réalisation d’ateliers de médiation autour de Sylvestre (2020) de Maude Maris – a renforcé ma conviction quant à l’importance de cette démarche. Il s’agit également d’une base pour lier à l’avenir mes deux domaines de compétences, ayant également suivi une formation en histoire de l'art à l'École du Louvre.
Qu’est-ce qui vous a marqué dans la formation?
Le fait que la formation soit construite autour de la sculpture Dachgarten/Treppe (2010) d’Isa Melsheimer a permis une meilleure compréhension des enjeux véhiculés. Le travail sur nos représentations de l’art contemporain a mené à des échanges intéressants entre les participant.es et à une réflexion plurielle sur l’art contemporain. J’en ai aussi appris plus sur l’histoire du Fonds d’art contemporain – Paris Collections et sur ses programmes de médiation qui contribuent à rendre l’art accessible à tous.
Comment les enfants, les parents et l’équipe de la crèche Politzer sont sensibilisés à l’art contemporain?
La crèche Politzer a intégré cette année le programme Une œuvre à l’école. Le tableau Sylvestre (2020) de Maude Maris a été accroché dans le hall d’entrée de la crèche. À cette occasion, nous avons organisé un café des parents autour de l’œuvre. Les enfants ont participé à des ateliers d’éveil artistique que j’ai co-construit avec la médiatrice culturelle stagiaire Inès Gab Alla et l’auxiliaire de puéricultrice Marie-Laure Lopez. Marie-Laure a d’ailleurs participé à la formation après moi. La conteuse Maïa Wagner a même imaginé une histoire autour de l’œuvre qu’elle a conté aux enfants et aux parents présents. En novembre, l’équipe de la crèche s’était rendue au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris à l’occasion d’une journée pédagogique sur la sensibilisation à l’art et l’Instrumentarium Baschet.
J’aimerais proposer des ateliers artistiques parents/enfants et d’autres destinés à l’équipe de la crèche. L’expérience artistique est essentielle car elle nous relie à notre créativité et à notre sensibilité en écho à celles des enfants. Je pense que de manière générale tous les arts nourrissent le lien entre les adultes et les enfants.
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Comment se déroule une journée de formation ?
Le matin, après une brève présentation du Fonds, les médiatrices entament la formation avec deux exercices ludiques qui permettent d’échanger autour de l’art contemporain. Le premier vise à récapituler un ensemble d’affirmations reprenant des préjugés et lieux communs qui entoure la discipline, tels que : « Les artistes se moquent de nous, c’est n’importe quoi », « Ils n’ont aucune technique, des enfants pourraient faire la même chose », ou encore : « L’art contemporain est une question de mode ». Chaque particpant.e est ensuite invité.e à réagir et à discuter autour de ces a priori.
La seconde activité consiste en un quizz dont le but est de reconnaitre, parmi un ensemble d’œuvres, lesquelles sont contemporaines. L’intérêt de ce jeu est, à terme, de permettre une meilleure compréhension de ce qu’est l’art contemporain en répondant à des questions comme : Qu’est-ce qui le défini ? Quelles sont ses caractéristiques ? À partir de quand parle-t-on d’art contemporain pour décrire une œuvre ?