Immersion dans la nature
Bert Theis, Aggloville, 2007, impression jet d'encre à solvants sur toile canvas (détail)
© Adagp, ParisFaire corps avec la nature, se ressourcer, aller à contre-courant du modèle urbain, cultiver un autre mode de vie plus proche de la nature, reflet d’une tentation d’échappée, désir d’exotisme, de contemplation, de communication entre les univers humains, animaux et végétaux. Ce parcours propose un pas de côté dans le vert ou le bleu du ciel, à priori loin du béton et des perspectives urbaines parisiennes. Toutefois, qui peut aujourd’hui nier que l’intégration de la nature à la ville est au cœur de toutes les préoccupations environnementales, sociétales et politiques ? Aucun projet architectural ou urbain ne peut aujourd’hui voir le jour sans intégration d’une dimension éco-responsable et compatible avec le respect de l’environnement. L’écologie est sur toutes les lèvres. De fait, la relation entre l’humain et le végétal ou l’animal est un sujet terriblement contemporain, dont les artistes se saisissent largement, en écho à notre besoin de retrouver un cadre de vie en harmonie avec la nature. Artistes dans ce parcours : Pierre-Olivier Arnaud, Gilles Delmas, Mimosa Echard, Daniel Firman, Didier Marcel, Bert Theis, Lois Weinberger
Pierre-Olivier Arnaud
Diplômé de l’École supérieure des beaux-arts, Pierre-Olivier Arnaud fabrique des images à l’aide de différents procédés : photographie, affiche, magazine ou encore sculpture. Il s’intéresse tout autant à la nature des images qu’à leur mode de diffusion et au rapport que la société entretient avec elles.
Pour son projet Cosmos, l’artiste a voyagé en Europe, et notamment dans les pays de l’ex-URSS, à la recherche des hôtels Cosmos. Construits entre les années 60 et 80, ces édifices témoignent du style moderne ou post-moderne. L’artiste évacue tout repère spatial et chronologique enregistrant les détails de l’architecture et de la nature situés à proximité des hôtels. Il travaille avec une seule couleur, le gris, afin d’annuler les effets séduisants de l’image. Directement collées sur le mur, les affiches sont détruites à l’issue de chaque exposition. Leur nombre étant fixé à l’avance, l’œuvre disparaît lorsque le stock est épuisé.
Gilles Delmas
Gilles Delmas est un vidéaste qui s’intéresse au monde de la danse contemporaine, filmant notamment les chorégraphes Sidi Larbi Cherkaoui et Akram Khan. Il manifeste par ailleurs une fascination pour les croyances et les rituels à l’échelle du globe.
Dans The Ferryman, récit sous forme de performance chorégraphique, il filme le parcours initiatique d’un homme-cerf interprété par le danseur et chorégraphe Damien Jalet. Soumis aux rituels des Yamabushis, moines bouddhistes japonais, cet être hybride entre progressivement en communication avec la sphère de l’invisible et entreprend un voyage qui le mène de l’ombre à la lumière. Son ascension d’une montagne en six étapes est une métaphore du voyage de l’âme humaine. Le fi lm, ponctué de paysages du Japon, de Bali et de l’île écossaise de Skye, où la nature est omniprésente, a pour sujet central le rapport ancestral de l’homme à la nature. La ville fantôme traversée par l’homme- cerf à la fin du fi lm n’est autre qu’une ville voisine de Fukushima, métaphore d’une humanité qui se confronte à la nature au lieu de faire corps avec elle.
Mimosa Echard
Diplômée de l’École nationale des arts décoratifs de Paris, Mimosa Echard travaille des médiums divers, avec un goût marqué pour l’utilisation de matériaux hétérogènes, organiques, minéraux, naturels ou issus de différentes industries. Leur assemblage se fait dans une logique alchimique, donnant naissance à des ensembles métamorphosés et à des harmonies nouvelles.
Réalisé par l’assemblage d’un coquillage et d’un rétroviseur de voiture, Vaughan fait référence à un classique de la littérature de science-fiction : le roman Crash ! (1973) de J.G. Ballard dans lequel une communauté rassemblée autour du Dr. Robert Vaughan, analyse les conséquences de célèbres accidents de voiture sur le corps humain et les reconstituent à des fins érotiques. En associant références pop à son travail d’assemblage, Mimosa Echard questionne l’imbrication de l’organique et du technologique dans nos sociétés modernes. Vaughan joue de cette ambiguïté : rétroviseur et coquillage s’interpénètrent sans que l’on ne sache plus lequel est la coquille de l’autre, lequel est organique, lequel ne l’est pas.
Mimosa Echard s’intéresse à la création d’écosystèmes où le vivant et le non-vivant, l’humain et le non-humain cohabitent. L’artiste manifeste une profonde empathie pour les formes de vies non humaines. Elle incorpore au coeur de ses compositions des plantes médicinales, qui entrent en symbiose avec des produits cosmétiques ou des composants électroniques. D’une grande sensualité, la série Bisoufleur met en scène des interactions interespèces en juxtaposant des photographies d’organes humains, floraux et de réels éléments végétaux. Cette oeuvre donne à voir de façon très suggestive l’acte de fusion, d’ordre sexuel, entre l’humain et le végétal.
Daniel Firman
À la fin des années 1990, Daniel Firman travaille dans une veine hyperréaliste de la sculpture contemporaine, qui questionne le rapport entre le corps et son environnement. Il reproduit dans leurs moindres détails des objets extraits de notre quotidien en taille réelle. L’usage du plâtre dans ce processus, renvoie à la pratique artistique et scientifique du moulage, de la copie d’après original. Les doubles fantomatiques ainsi répliqués interrogent le spectateur sur son rapport à l’objet, à l’espace et au souvenir des lieux.
Pour la série Plantes, Daniel Firman emprunte au réel une plante identifiable par tous, tant elle a investi nos intérieurs : le philodendron, un parasite naturel. Disposée sur une table en Formica®, cette nature morte contemporaine renvoie l’image familière d’un intérieur trop standardisé et interroge nos sociétés de consommation.
Didier Marcel
Diplômé de l’École des beaux-arts de Besançon, Didier Marcel évoque dans son œuvre le côté artificiel de la nature et remet en cause son authenticité : forêts reconstruites, nature domestiquée, mise sous cloche, tel un produit manufacturé de l’ère industrielle. Empruntant son vocabulaire aux zones rurales ou périurbaines, l’artiste transforme les éléments naturels pour lui faire perdre leur fonction originelle.
Cette botte de paille enfermée dans un cylindre de plexiglas nous présente une nature naturalisée ou « empaillée ». Tel un travail mémoriel sur le travail manuel et l’évolution du paysage, il met en exergue l’image d’un paysage ordonné et esthétisé par l’homme : les bottes cylindriques ou rectangulaires créées par des machines, ayant succédé aux meules. Mises en vitrine, cette botte devient une véritable sculpture domestique.
Bert Theis
La pratique artistique pluridisciplinaire de Bert Theis s’articule autour des questions liées à l’écologie et à la défense d’un urbanisme durable, social et inclusif.
Aggloville offre la vision d’un Paris dans lequel la nature a envahi la capitale. Les immeubles et les avenues sont noyés sous une végétation touffue et foisonnante. Seuls quelques îlots d’architecture et grands monuments sont encore visibles. Cette proposition utopique est à la fois joyeuse et grave. Joyeuse car la nature occulte la ville et toutes les nuisances qu’elle représente pour ne laisser à voir qu’un grand tapis vert comme un océan de repos. Grave car la ville apparaît ici dépouillée de toute présence humaine. Bert Theis questionne ici la complexité et les enjeux d’une urbanisation puissante et irréversible, nourrie aujourd’hui du modèle urbain néolibéral, à l’aune d’une ville durable.
Lois Weinberger
Artiste-paysan et botaniste, Lois Weinberger développe à partir des années 1970 une pratique artistique multiforme, qui interroge la place de la nature dans nos sociétés contemporaines. À travers la photographie, la sculpture ou l’installation, son œuvre témoigne de la capacité de transformation et de résistance de la nature. Lois Weinberger élabore des propositions poétiques et concrètes, comme autant d’alternatives à notre modèle de développement actuel.
Garden est une installation réactivable à chaque nouvelle exposition. Dans un bac en plastique, au milieu de feuilles de papier journal, rebut du quotidien, un plant de lierre est disposé. Arrosé régulièrement, il parvient à grandir dans de cet environnement a priori impropre, les matériaux inertes deviennent le terreau d’un nouvel écosystème en développement.
En savoir plus
Parcours adapté d’après les Rencontres Inattendues, plus de 80 œuvres exposées dans des lieux du quotidien à Paris du 4 octobre au 15 décembre 2021.
La collection sur le territoire
Une œuvre pour tous
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