La tricoteuse, les couturières et l'atelier de broderie

min 31 octobre 2025 Flore Chetcuti

Détail de l’œuvre de Simone Prouvé

Ce parcours présente certaines acquisitions récentes du Fonds d’art contemporain de la Ville de Paris qui montrent la richesse et la diversité des arts textiles contemporains, alors que les arts textiles sont plus que jamais de retour aussi bien dans les pratiques de loisirs créatifs que dans les musées et centres d’art !

Introduction : représentation des arts textiles dans la collection

Le Fonds d’art contemporain – Paris Collections, collection datant du 19e siècle, contient de nombreuses représentations d’arts textiles en peinture. Ces trois tableaux Marcel Paul Combellas, Janine Marca-Tisseyre et Réné-Xavier Prinet illustrent la variété des techniques regroupées sous le terme « arts textiles » : couture, broderie, tricot… Ces représentations nous montrent également à quelle point ces activités sont genrées au féminin, « couturières », « brodeuses », « tricoteuse ».

AU XIXe siècle et début du XXe siècle, l’apprentissage des arts textiles étaient obligatoire et institutionnalisé dès l’enfance pour les femmes dans l’optique de devenir une bonne ménagère. Le travail de couture s’effectuait dans l’intimité de la maison comme dans le tableau de Réné-Xavier Prinet, en particulier pour les femmes aisées.

Pour les familles plus modestes, le textile peut aussi être un vecteur de gains économiques. Au début du XXe siècle, les femmes représentent les deux tiers de la main-d’œuvre des filatures et tissages avec deux millions d’emploi.[1] Les femmes tiennent de petits commerces comme vraisemblablement dans le tableau de Marcel Paul Combellas ou œuvrent au sein d’ateliers comme dans l’œuvre de Janine Marca-Tisseyre, sur lequel les brodeuses ont l’air encore adolescentes. Cette scène localisée à Fez au Maroc décentre les pratiques textiles dans un autre contexte que la France, toute culture ayant son propre héritage dans ce domaine.


[1] https://archives-nationales-travail.culture.gouv.fr/Decouvrir/Dossiers-du-mois/Femmes-et-univers-textiles-entre-reves-d-independance-et-realites-industrielles

Tout au long, du XXe siècle, des générations d’artistes se succèdent et cherchent à valoriser ses pratiques, montrer leurs potentiels d’explorations techniques et les sortir d’un champ exclusivement domestique ou industriel pour les emmener dans le champ de l’art. Les artistes présentées dans ce parcours, en grande majorité féminines, sont héritières de cette longue histoire du textile et participent au renouveau de ces techniques au 21e siècle !  

Une mise en valeur de techniques artisanales : héritage et transmission

Chloé Dugit Gros

En 2019, lors d’une résidence à l’atelier des Arques (Occitanie), Chloé Dugit-Gros découvre la technique du tufting ou toufettage. Cette technique est apparue dans les années 70 à Honk Kong pour réaliser des tapis à moindre coût et plus rapidement à l’aide d’un pistolet à laine. Les fils sont insérés dans un tissu à trous ou canevas et sont ensuite scellé par de la colle placée au dos.  Le mot vient de l’anglais « tuft », touffe, du fait du rendu style moquette. Les artistes et artisans français s’intéressent très vite à technique. Sonia Delaunay (1885-1979), grande figure du renouveau de l’art textile au XXe siècle, l’utilise pour des tapis à la fin de sa vie.

La forme irrégulière de l’œuvre donne l’impression d’une forme organique en mutation. Les couleurs et les motifs sont inspirés du graffiti et du groupe Memphis, un mouvement de design italien des années 1980 qui se caractérise par des formes géométriques et des couleurs vives. La sensorialité de l’œuvre est renforcée par le titre « What kind of color do you like to eat ? » qui associe couleur et goût. Une des grandes forces du textile est son évocation des sens par les textures, même si le tapis de Chloé Dugit-Gros est une œuvre à accrocher au mur, l’aspect duveteux fait appel à notre sens du toucher.