La rue comme terrain d'expression

30 min 17 avril 2024 Léna Puech

Photographie de Jacques Faujour (1949) intitulée Rue du 3ème à Paris, datée de 1978 et immortalisant les graffitis de Gérard Zlotykamien (1940)

© Adagp, Paris

Le street art, mouvement artistique développé à la fin du siècle dernier, englobe toutes formes d’art réalisées dans l'espace urbain. Effacées avec le temps, les œuvres de ce type sont visibles seulement pour une période limitée mais sont néanmoins accessibles à un public très large. Depuis plus de 6 décennies, Paris incarne l'histoire de cet art, et ce, notamment grâce aux collections publiques de la Ville qui acquièrent des œuvres de street art dès le début des années 1970. Composée d'une diversité de techniques, la collection de street art du Fonds d'art contemporain - Paris collections, se constitue dans la seconde moitié du XXe siècle en faisant l'acquisition de différent.e.s pionnier.ère.s tel.le.s que Jacques Villeglé, Jérôme Mesnager, Blek Le Rat, Gérard Zlotykamien, Vive La Peinture, Surface Active, Speedy Graphito, Miss. Tic, Marie Rouffet, Futura 2000, Megaton, Banlieue-Banlieue, Captain Fluo, Epsylon Point et Ernest Pignon Ernest.

La genèse aux Etats-Unis

En lien avec le mouvement Hip-Hop, le street art apparaît à Philadelphie et New-York à la fin des années 1960.

Les métros et les rues deviennent un terrain de jeu prospère à l’apparition des tags. Il s’agit surtout de lettres révélant des pseudonymes et signatures. Le caractère esthétique se développe plus tard notamment grâce à de nouvelles techniques telles que la bombe aérosol, les pochoirs et le collage. Les productions qui en découlent sont cependant rapidement assimilées à des actes de vandalisme et les villes n'hésitent pas à mettre en place une politique de lutte contre les graffitis.

L’art urbain tel qu’on le conçoit aujourd’hui connait donc un important cheminement. Il évolue dans un premier temps comme un outil de dénonciation clandestin et est utilisé comme moyen d’expression notamment dans des contextes de tension politique. Il faudra ensuite attendre les années 1980-90 pour que le mouvement soit estimé par les galeries et institutions.

A partir des années 2000, le street art va jusqu'à prendre une place considérable dans le marché de l’art. Mais cela interroge une grande partie des street artistes qui continuent de produire en restant fidèles aux concepts initiaux de cet art : l’accessibilité au plus grand nombre et sa non-commercialisation.

Des murs de métro aux cimaises des galeries

Futura 2000

L'évolution du graffiti au-delà du simple lettrage se manifeste notamment à travers le travail de Futura 2000. Il fut l'un des premiers à intégrer des éléments graphiques en lien avec le monde réel (atomes, flèches, cercles rappelant des cellules, etc.) à son travail.

Il étend rapidement son travail sur toile, ce qui le place également comme l'un des premiers street artiste à travailler en atelier, sans toutefois abandonner la rue. Futura 2000 joue alors un rôle déterminant dans l’évolution du graffiti des murs de métro aux cimaises des galeries.

En 1989, la Ville de Paris fait l'acquisition d'une de ses peinture intitulée Spray Paint Experiment n°5. C'est d'ailleurs durant cette même année que l'œuvre est exposée au musée de Vire en Normandie. A partir de cette date, Futura 2000 participe à de nombreuses expositions en galeries et institutions de renoms françaises (à Paris au Palais de Chaillot en 1991 mais aussi au musée des beaux-arts de Tourcoing en 1996), et contribue ainsi à la considération et à la diffusion du graffiti américain en France.

Artiste

Futura 2000

Futura 2000, pseudonyme de Lenny McGurr est né à New York en 1955. Il commence à peindre adolescent dans le métro au début des années 1970. Alors que les graffeurs des années 1970-80 se concentrent sur le lettrage, Futura 2000 déploie, quant à lui, un style abstrait unique.

« Travailler à la bombe une toile placée à l’horizontale permet encore de profiter de la diffusion par gravité du gaz propulseur, gage de tracé fin et précis tout en évitant les coulures. »

Futura 2000,

Pour réaliser ses œuvres, et notamment Spray paint experiment n° 5, Futura 2000 utilise la bombe aérosol comme un outil à part entière : il la roule directement sur la peinture fraîche. Il travaille aussi la toile au sol de façon à avoir une vision en surplomb et en contre-plongée. L'objectif étant de pouvoir modifier instantanément ce qu'il produit.

Futura 2000 inspire de nombreux artistes et Olivier Megaton en fait partie. En 1980, il a 15 ans et vit en banlieue parisienne. Il assiste alors à l'arrivée du graffiti en France. En 1990, le FAC fait l'acquisition d'une de ses productions intitulée B. quête.

« C’est comme ça que ça s’est développé en France, tous les graffs qui ont fleuri venaient de mecs issus d’un milieu bourgeois, et qui ont eu la chance et les moyens de le découvrir à New York ou au cinéma »

Olivier Megaton,

Les prémices en France

Après avoir été réalisé illégalement puis avoir rimé avec diverses connotations péjoratives, le travail des street artistes est doucement considéré puis apprécié par les institutions dans les années 1980.

Cela se ressent notamment au sein de la politique d'acquisition de La Ville de Paris qui cherche à enrichir sa collection municipale d'œuvres de street art. Une intensification notable des acquisitions de ce type s'opère alors entre 1987 et 1992. En amont de ce pic d'acquisition, le Fonds d’art contemporain – Paris collections acquière sa première œuvre de street art en 1972 intitulée Quai de la Râpée et produite par Jacques Villeglé.

Jacques Villeglé

En 1972, le travail de J. Villeglé est déjà visible depuis presque vingt ans dans les rues de la capitale. Au milieu des années 1950, il collecte, avec son partenaire Raymond Hains, des affiches altérées par le temps ou lacérées par les passants. Une fois décollées du mur, les affiches sont marouflées sur toile et encadrées pour devenir un tableau. Chaque œuvre a pour titre l’endroit où l’affiche a été trouvée. Ce geste marque le début de l’art urbain en France.

Artiste

Jacques Villeglé

Jacques Villeglé est né en 1926 à Quimper et diplômé des Beaux-arts de Rennes. Il intègre avec R. Hains le groupe du Nouveau Réalisme dès sa fondation en 1961. « En 1947, j’ai ramassé un fil de fer, que j’ai assemblé avec un autre. Puis je l’ai montré à Hains. Ce fut un déclic. J’ai compris que l’art se devait d’être un reflet de notre époque, et qu’il s’agissait de réduire les intermédiaires entre l’objet et l’œuvre d’art. » il décrit ainsi toute la philosophie du Nouveau Réalisme et ses affiches lacérées en sont le reflet parfait.

« La peinture d’histoire était depuis longtemps considérée comme ringarde, je l’ai renouvelée par l’affiche  »

Jacques Villeglé,

Un intérêt qui se poursuit

Pratiquement 30 ans après cette première acquisition, l’intérêt pour la production de ce street artiste se poursuit. En 2000, le Fonds d’art contemporain enrichit sa collection de street art de deux nouvelles œuvres de Jacques Villeglé. Il s’agit de deux sérigraphies lacérées intitulées Sator.

L'attractivité d'une capitale en travaux

Dans les années 1970, le centre de Paris est en construction notamment avec le chantier du "trou des Halles" et celui de Beaubourg. Ces zones de travaux deviennent des terrains d’exploration pour les artistes. Villeglé et Hains n'hésitent d'ailleurs pas à accrocher, sur les palissades de chantiers, leurs affiches lacérées. Le street art parisien émerge alors de cette façon.

Gérard Zlotykamien

Autour du chantier des Halles, il était également possible de croiser Gérard Zlotykamien. Ses premières interventions dans la rue, datées de 1963, et sa faculté à s’extraire du système institutionnel le classent aujourd’hui comme l’un des précurseurs du street art parisien. Il se destine principalement à la peinture classique jusqu'en 1963, date à laquelle la censure du ministère de la Culture envers son ami artiste Arroyo, à la Biennale de Paris, le pousse à sortir des institutions pour créer dans la rue.

Zlotykamien peint essentiellement des silhouettes fantomatiques appelées « les éphémères » qui évoquent les ombres humaines qui se sont imprimées sur les murs après l’explosion à Hiroshima et plus généralement, les crimes contre l’humanité. Une tête ronde encerclant deux orbites et une bouche béante, du noir et parfois du rouge : voici la signature de Zloty. Ces motifs se retrouvent d’ailleurs ci-dessous, sur les deux œuvres de l’artiste conservées par la collection de la Ville de Paris depuis leur acquisition en 1989. 

En 2023, à l'occasion des 60 ans du street art, le Palais de Tokyo a présenté l'exposition collective La morsure des termites dans laquelle il était possible de voir le travail de Zloty.

Artiste

Gérald Zlotykamien

Né en 1940 à Paris d’une famille juive, il subit très jeune la traque des policiers et voit sa famille être arrêtée puis déportée. G. Zlotykamien est cadre aux Galeries Lafayette le jour et peintre de rue la nuit. Il peint des silhouettes fantomatiques à main levée, d’abord à la poire à lavement puis à la bombe aérosol. Il est l'un des premiers à sortir peindre illégalement sur les murs de la capitale, pourtant, il ne connaît pas la même reconnaissance que ses confrères aujourd'hui.

L'arrivée du pochoir

Edmont Marie Rouffet

Aujourd’hui reconnues comme propulseuses du mouvement pochoiriste, les œuvres d’Edmond Marie Rouffet acquises en 1989 et conservées par le FAC sont représentatives d’une riche période de sa carrière, elles témoignent aussi d’une icône des premiers pochoirs et d’un moment historique dans la naissance du mouvement pochoiriste. De façon inédite, les motifs créés par l'artiste étaient effectivement diffusés à très grande échelle et ce, notamment devant les bouches de métros parisiens.

Artiste

Edmont Marie Rouffet

Edmond Marie Rouffet est né en Allemagne d'une famille française. Il est formé à l'école Boule à Paris et vit ensuite de l’illustration. C’est durant les années 1980, lorsqu’il se retrouve sans atelier après un voyage de 2 ans à Montréal, que l'artiste commence à investir l’espace urbain. Très peu d’information ont pu être recueillie sur l’artiste, a priori discret. La majorité des éléments biographiques ont été transmis par son agent Patrice Guérémie. Selon un graffeur amateur du travail de Marie-Rouffet, il aurait disparu il a de cela une vingtaine d’années et aurait vécu chez son agent pendant quelques années avant de laisser, du jour au lendemain, sa chambre telle quelle.

Blek le rat

Il commence à utiliser le pochoir à Paris en 1981 en peignant à la bombe de petits rats noirs qui courent le long des murs du quatorzième arrondissement et qui symbolisent, pour lui, l'environnement urbain ainsi que les membres marginalisés de la société. L'utilisation de pochoirs, que ce soit pour représenter des petites pièces ou des personnages grandeur nature, lui permet de les reproduire à l'infini. Son travail se révèle ensuite de plus en plus engagé ce qui lui vaut son audience mondiale.

En parallèle des pièces qu'il produit dans la rue, Blek le Rat organise de nombreuses expositions à travers le monde et participe aussi à divers festivals d’art. Comme le font Futura 2000 ou encore Zlotykamien, il contribue à l’institutionnalisation du street art.

Le FAC conserve trois de ses œuvres qui entrent dans la collection en 1987 puis en 1990.

Artiste

Blek le rat

Blek le Rat (né Xavier Prou en 1952 à Paris), choisit le pseudonyme Blek le Rat en référence à une bande dessinée italienne "Blek le Roc ", et utilise "rat" comme anagramme de "art". Lors d'un voyage à New-York au début des années 1970, l'artiste voit pour la toute première fois de sa vie des graffitis. Cette nouvelle forme d'expression l'inspire et le fascine énormément. Lorsqu'il rentre en France, il s'inscrit à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris pour étudier la gravure, la sérigraphie et la lithographie. Il explore ensuite l'architecture, découvrant l'impact de l'espace et les possibilités créatives offertes par l'environnement urbain.

« J’apprenais à cacher mon matériel sous les voitures, à faire surveiller par des amis les rues dans lesquelles j’allais travailler, enfin je devais m’habituer à prendre un tas de précautions nécessaires à mes activités qui devenaient de plus en plus illégales. Malgré ce petit jeu invivable le désir de m’exprimer, de peindre était tellement fort que la tension créée par ce cache-cache infini se métamorphosait en un déluge de créativité le moment venu. Car il n’y a rien de plus fort pour moi que de travailler dans la rue au plus profond d’une nuit d’hiver, lorsqu’on a les mains gelées et que seul le cœur brûle de peur.  »

Blek le rat,

Collaborations et groupes

« Pendant l’été 1984 d’autres pochoirs apparurent sur les murs de Paris. Les premiers que je vis étaient signés de Marie Rouffet et de Surface Active. Le dialogue était établi entre nous et les graffitis de ces deux artistes venaient s’ajouter aux miens, clin d’œil entre nous, ce qui ne me déplaisait pas et ce qui activait en moi des tas de songes sur ce nouvel art du langage, des signes que nous possédions déjà en commun. »

Blek le rat,

Surface Active

Comme le décrit très bien Blek le rat ci-dessus, le street art parisien des années 1980 s'apparente à un microcosme. Les street artistes qui produisent dans la capitale finissent par se trouver, se compléter puis se réunir donnant ainsi naissance à des murs partagés. Les Chauves-Souris de Surface Active sont par exemple régulièrement visibles au côté des œuvres de Blek le Rat. Ces deux artistes se rencontrent d'ailleurs pour la première fois en 1984, suite à un article dans Télérama sur cette nouvelle pratique artistique à Paris qu’est le pochoir. Ensemble, ils créent une fresque de grand format exécutée au pochoir sur les palissades du chantier de la pyramide du Louvre. C’était un défi car le lieu était constamment sous haute surveillance.

La Ville de Paris enrichit sa collection de trois œuvres de Surface Active dès 1988. Il s'agit de trois panneaux de bois peint à la bombe aérosol.

Vive la peinture

VLP est l'un des plus anciens groupes français de l’art urbain. Ce collectif est composé de Michel Espagnon, né en 1948 et diplômé des Beaux-Arts de Paris, et de Jean Gabaret né en 1947 et diplômé de la faculté d'Arts Plastiques de Paris. Martial Jalabert, le troisième, a quitté le groupe en 1994. Leurs premières interventions communes remontent à octobre 1983, après s’être rencontrés dans les Catacombes de Paris lors de fêtes punk-rock. La spécificité du groupe est qu'ils interviennent simultanément sur le même support et avec des matériaux qui viennent de la rue. Issus de l'esprit punk des années 1980, leurs travaux s’inspirent de l’actualité, de la bande dessinée et de l’histoire de l’art pour produire un art qui fait le pont entre figuration libre et street-art. VLP se définit aussi comme un groupe socialement et politiquement engagé. Entre provocation et autodérision, ils cherchent à casser les codes traditionnels. Ils quittent par exemple l’atelier pour aller performer et improviser en direct devant le public de façon à rendre la peinture plus vivante. Après l’underground, les œuvres de VLP s’inviteront également sur les palissades de travaux de la capitale. En 1984, le groupe sera à l’initiative du premier festival des graffitistes et des fresquistes à Bondy.

En 1988, trois œuvres de groupe VLP entrent dans la collection du FAC.

Artiste

Vive La Peinture

Depuis 2017, tout en continuant ses activités en atelier et dans la rue, VLP participe à de grandes expositions sur l'histoire du mouvement urbain, qui témoignent à la fois de l'engouement public mais aussi de la légitimation institutionnelle. En 2018, leurs travaux sont visibles dans l'exposition collective « Légendes Urbaines » à la Base sous-marine de Bordeaux, puis, en 2021 dans l'exposition « Libres Figurations Années 80 » au Musée des Beaux-arts de Calais. En 2022, le collectif participe à deux expositions : « Capitale(s), 50 ans d’art urbain », à l’Hôtel de Ville de Paris et « Les Pionniers du street-art » à l’Institut Culturel Bernard Magrez de Bordeaux. En 2023, VLP a célébré ses quarante ans d'activité. Le groupe est aujourd’hui représenté par les galeries Art Together, MathGoth et Berthéas.

Speedy graphito & Captain fluo

Speedy graphito, né Olivier Rizzo en 1961 dans une famille de tapissiers, est attiré par toutes formes d'art. Durant son adolescence il conçoit et construit des décors de théâtre puis est diplômé en 1983 de l’école d’art Estienne à Paris. Il travaille ensuite dans la publicité, comme maquettiste, directeur artistique ou encore graphiste publicitaire. Il est passionné par la peinture mais les galeries sont inaccessibles, alors, il se tourne vers la rue, grande galerie à ciel ouvert.

Captain Fluo est, quant à lui, reconnu depuis les années 1970 comme un photographe atypique qui maitrise par exemple la photographie en fluorescence ou encore l’art de l’iphoneographie. Ses œuvres mêlent poésie et humour et nous embarquent dans un univers où l’imaginaire et la dérision ont une place primordiale.

Lorsque les deux artistes se rencontrent, ils fondent le collectif « X-Moulinex » et investissent la rue et ses passages piétons, en étant attirés par cette alternance des bandes blanches et noires. Ils y taguent au pochoir des éléments symbolisant le monde moderne tels que le robot Moulinex, ou la figure du présentateur TV. C’est à partir de là qu’Olivier Rizzo réalise ses premières œuvres signées Speedy Graphito. Ce nouveau nom, qu’il continue d’apposer durant toute sa carrière, résonne comme une marque, un slogan. Le duo se dissout en 1984, et les artistes poursuivent leur route individuellement.

Un panneau peint par Speedy Graphito est acquis par la Ville de Paris en 1988, puis, deux ans après, c'est en 1990 que 5 pochoirs de Captain fluo, dont 2 matrices, viennent enrichir la collection municipale.

Jérôme Mesnager

Jérôme Mesnager entre dans la collection du FAC en 1987 avec son œuvre intitulée Bonhomme blanc. C'est un artiste qui, dès 1982, produit en groupe. Il cofonde cette année-là le groupe Zig-Zag rassemblant une dizaine de jeunes artistes qui se réunissent en « zig-zag dans la jungle des villes » et décident d’occuper la rue ou des lieux désaffectés dans lesquels ils réalisent graffitis et performances artistiques.

Le 16 janvier 1983, Mesnager invente une silhouette blanche articulée appelée « Corps blanc » ou « l’Homme blanc » qui est rapidement visible partout à Paris : rues, usines, gares, caves et catacombes. Il reproduit ensuite cette silhouette, notamment grâce au pochoir, dans le monde entier, des murs de Paris à la muraille de Chine mais aussi sur de nombreuses toiles. Ce personnage phare, qu'il considère comme « un symbole de lumière, de force et de paix », devient sa signature et prend différentes poses :  dansant en ronde, enlaçant une autre figure, sautant, courant ou même combattant des créatures mythologiques. En 2023, l'Homme blanc a célébré ses 40 ans.

Une des réalisations majeures de l'artiste est toujours visible dans le 20e arrondissement de Paris. Il s'agit de l'immense fresque Les petits gars de Ménilmontant réalisée en 1995 sur un pan d’immeuble de la rue de Ménilmontant. Elle représente cinq Hommes blancs dansant en ronde.

Artiste

Jérôme Mesnager

Né en 1961 à Colmar, J. Mesnager est diplomé de l’école Boulle où il reçoit une formation d'ébéniste et où il enseignera par la suite. En 1979, il suit les cours de bande dessinée d'Yves Got et de Georges Pichard à l'École supérieure des arts appliqués Duperré. Il s’est ensuite petit à petit dirigé vers la rue avant de cofonder le groupe Zig-Zag.

« Je me suis dit : je serai libre de tout circuit marchand, dans la rue, on peut faire de l’art pour les gens de notre époque, pour tous les passants, des plus favorisés aux plus démunis ! »

Jérôme Mesnager,

Dénonciation et militantisme

Miss. Tic

Miss.Tic est une artiste reconnue pour ses pochoirs à la bombe, visibles sur les murs de Paris, dans lesquels elle exprime ses désirs, ses fantasmes, ses travers, mais aussi ses révoltes. Son travail est identifiable à la typographie et aux aplats de noir accompagnés de touches de rouge. Elle produit des « billets d’humeur » associant un personnage, généralement une femme, à une épigramme poétique à base de jeux de mots et de calembours. Ses œuvres les plus connues mettent en avant des images stéréotypées de la femme, véhiculées notamment par les magazines. L'utilisation d'épigrammes permet à l'artiste de questionner l’image de cette femme « marchandise ». Les personnages féminins prennent ainsi la parole et s’affirment comme femmes d’esprit grâce à la transformation du sens des mots et des images.

Par exemple, Pochoir au portrait de groupe, une des six œuvres de Miss. Tic acquise par le FAC en 1988, porte sur les relations entre soi et les autres et sur la place de l'individu dans la société. Miss.Tic invoque ici une femme libérée et revendicatrice dans un monde d’hommes et de préjugés.

Sa démarche repose sur un mélange de légèreté, d’insouciance mais aussi de gravité et de provocation. Elle crée un langage qu’elle fait évoluer tout au long de sa carrière en mêlant supports pérennes et interventions éphémères. Ses pochoirs sont réutilisables et parfois réalisés en série. L’image et l’épigramme peuvent être ainsi dissociées et réutilisées individuellement pour créer de nouvelles œuvres.

Artiste

Miss. Tic

Miss.Tic, née Rhadia Novat en 1956 à Paris, est une plasticienne et poète. Ses premières œuvres voient le jour dans les années 1980, principalement sur les murs des rues parisiennes. Son pseudonyme est issu d’un mouvement initié par des jeunes artistes dans les années 1980 qui prennent des surnoms de personnages de Bandes dessinées. Miss.Tic fait référence à la sorcière Miss Tick du Journal de Mickey. C’est une artiste désormais connue et reconnue, très souvent exposée depuis 1986, en France comme à l’étranger. Elle effectue aussi de nombreuses collaborations, notamment dans la mode ou le cinéma.

Epsylon Point

Epsylon Point, de son vrai nom, Etienne Lelong, est né en France en 1950 puis est diplômé de l’école des Beaux-Arts de Dijon. Il découvre la bombe aérosol en 1979 et le pochoir en 1985. Ce dernier lui permet de travailler plus rapidement en extérieur en reprenant notamment des images qu’il tire de photographies, livres ou magazines. Il traite majoritairement de sujets sociaux, politiques et sexuels et se revendique comme un artiste engagé. Son travail est visible à la fois dans la rue mais aussi, au début de sa carrière, en galerie et institutions comme par exemple à la galerie du jour Agnès B, pour l’exposition « Évènements pochoir ». En 1985, il se rallie au premier rassemblement du mouvement graffiti et d’art urbain à Bondy, organisé par VLP, avec Miss Tic, Blek le rat, Jef Aérosol, Futura 2000… Deux ans plus tard, en l’honneur du 10ème anniversaire du Centre Pompidou, Epsylon Point fait partie des 95 artistes réunis dans l’exposition « Free Art, l’année Beaubourg ».

Dans son processus de création, Epsylon Point privilégie d’abord la conception d’un fond abstrait et y ajoute ensuite les pochoirs. Sur mur ou sur toile, il procède de la même façon et certains pochoirs sont utilisés dans les deux cas. C’est le cas pour l’œuvre Les grimpeurs libres qui entre dans la collection du FAC en 1992 accompagnée de deux autres peintures intitulées Erotiks et Kung fu féminin.

« Quand je l’ai débutée j’avais déjà les pochoirs des grimpeurs. J’avais ce format là et puis j’ai fait comme un mur avec des fissures pour qu’ils puissent grimper dessus. Ceux-là, je les avais dans la rue à l’époque et comme je les aimais bien, je l’ai fait sur un bout d’Isorel »

Epsylon Point, au sujet de son œuvre "Les grimpeurs libres"

Ernest Pignon Ernest

Ernest Pignon-Ernest est un des initiateurs du collage dans le street art français. Ses représentations humaines grandeur nature sont réalisées au fusain et à la pierre noire et sont reproduites en sérigraphie avant d'être collées sur les murs des villes.

« Si je les faisais plus grands ou plus petits, ça serait comme des dessins exposés dans la rue. Là, l’idée c’est qu’ils s’inscrivent dans la rue, qu’ils en fassent partie, en inscrivant dans le lieu le signe humain »

Ernest Pignon Ernest,

Ernest Pignon-Ernest a été membre du Parti communiste français et parmi les fondateurs, en 1977, du Syndicat national des artistes plasticiens CGT. Engagé politiquement et socialement, il cherche à ouvrir les esprits sur la réalité du monde. Ses croquis, dessins, pochoirs et collages provoquent, perturbent et dénoncent en faisant écho aux injustices et aux minorités. L’œuvre Les Expulsés et Rimbaud rappelle la situation des migrants ou des habitants expulsés en masse de leurs logements. Durant les années 1970-80, l’artiste est témoin de la politique de réhabilitation des quartiers parisiens qui détruit des immeubles. Enfant, Ernest Pignon-Ernest a lui-même été expulsé de chez lui, avec ses parents, alors qu’ils vivaient à Nice.

Bouleversé par Arthur Rimbaud qu'il découvre à 15 ans, Ernest Pignon-Ernest cherche à rendre hommage au poète. Il est persuadé que « lorsqu’on a lu Rimbaud, on ne peut pas faire un Rimbaud en marbre, sur socle, ou dans un cadre », figé. Au contraire, il le veut éphémère, errant. Il réalise alors de nombreuses esquisses préparatoires, notamment à partir du portrait de Rimbaud âgé de 17 ans photographié par Étienne Carjat en 1871. L’allure générale du personnage est inspirée des croquis de Verlaine, mais Pignon-Ernest modernise sa tenue. En 1978-79, il affiche 400 images grandeur nature de Rimbaud dans Paris et Charleville (Ardennes), ville natale de l’écrivain. Cette figure de Rimbaud est ensuite reproduite en milliers d’exemplaires et collées sur les murs de nombreuses villes. Elle est depuis devenue intemporelle et perçue comme une icône des temps modernes.