Julien AUDEBERT Campagne Première

Notice de l'œuvre

La pratique artistique de Julien Audebert interroge les limites de la perception par un travail de manipulation des sources cinématographiques et textuelles qui ont marqué notre histoire culturelle. La notion de « révélation » est au cœur de ce processus : qu’il réduise l’ensemble d’une séquence filmique en une image signifiante ou qu’il condense la totalité d’une œuvre littéraire sur une feuille de format A4, Audebert cherche à rendre visible ce qui n’était que latent dans la disposition originelle de l’œuvre source. Campagne Première décortique un classique du cinéma de la Nouvelle Vague : À bout de souffle de Jean-Luc Godard (1960). Extraite de la séquence narrative et recomposée par l’artiste, l’image donne à voir une rue parisienne quasi déserte, dernier horizon de Michel Poiccard, qui y achève sa course après avoir été abattu. Par son travail sur le photogramme, Julien Audebert dit souscrire à la conception benjaminienne de la photographie comme preuve. À propos des clichés d’Eugène Atget, Walter Benjamin écrivait : « chaque recoin de la ville n’est-il pas une telle scène de crime ? Et chaque passant un criminel ? Le photographe […] ne doit-il pas révéler sur ses images la faute et en désigner le coupable ? » (Petite histoire de la photographie, 1931). C’est bien une scène de crime que recompose ici l’artiste, avec ses témoins et ses indices, qu’il revient au spectateur de décoder. Seul le corps a disparu, escamoté par le travail de manipulation de l’image.